Dix-neuvième album et pas une ride Geluck est un magicien du gag. Un an et demi après avoir quitté la presse, il nous sort ici un album majeur constitué de plus de 280 gags inédits. Le Chat ne faiblit pas. Au contraire, il tape sur tout ce qui bouge, ne respecte rien et continue de débusquer les failles, les bassesses et les contradictions de l'être humain. Guerre, religion, handicap, maladie, injustice, rien n'échappe à ce félin féroce, capable de passer de l'humour potache à la haute philosophie en un frémissement de moustache.

Selon le tempérament de chacun, LE CHAT PASSE À TABLE se déguste ou se dévore. Une fois de plus, Le Chat ne recule devant aucun procédé pour nous plier en deux, car, comme il le dit très justement : la faim justifie les moyens.

Mais comment fait-il pour continuer à se renouveler sans cesse ? La question aurait pu se poser au deuxième, au sixième, au douzième album. Nous voilà au dix-neuvième et pas le moindre signe d'essoufflement. Comme si Le Chat, avec sa gestuelle sobre, ses 2 ou 3 bulles, loin d'être un système clos était un univers en expansion. Geluck nous sort des gags de son chapeau tant que nous en voulons. Et nous en redemandons, car les fans du Chat, eux aussi, sont une communauté en expansion, et qui s'internationalise. La magie du système réside sans doute en l'absence de système. La force de Geluck, outre une créativité hors du commun, consiste à s'émerveiller de ce qui lui arrive. Il s'est bâti en 40 ans de carrière un espace de liberté devenu son terrain de jeu. Il s'amuse de tout, prend un plaisir gourmand à rire du tragique comme du futile et nous entraîne voluptueusement avec lui. On ne lui en veut pas de parfois dépasser les bornes car il le fait avec intelligence et sait faire appel à la nôtre. Et lorsqu'il verse dans le monstrueux, nous l'acceptons parce qu'avec lui c'est toujours "pour de rire", et nous en redemandons car il nous aide à exorciser nos propres angoisses.